Wonder Boy : The Dragon’s Trap. Une déclaration d’amour à un jeu culte

Pépite oubliée de l’ère 8 bits et remise au goût du jour, Wonder Boy : The Dragon’s Trap a acquis sa réputation à l’ombre de Zelda, Castlevania ou Metroid. Son remake par les passionnés de Lizardcube, éclatant d’amour et de respect pour l’original tout en lui donnant un magnifique coup de peinture, a tout pour le faire redécouvrir par une nouvelle génération.

Je vous parlais récemment de la réédition complètement remixée de Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles. Si Wonder Boy III était un album, ce serait plutôt une œuvre culte révérée par ses fans, comme Something Else des Kinks. Un truc pour connaisseurs. Pour ceux qui avaient choisi Sega plutôt que Nintendo dans les années 80.

En Europe, et particulièrement en France, ils sont beaucoup plus nombreux que ce que l’histoire officielle du jeu vidéo, centrée sur l’Amérique et le Japon, veut nous faire croire. Ici, la Master System a bénéficié d’un marché complètement différent, et a su se faire une place entre l’Amstrad CPC et l’ère Atari ST/Amiga, en grande partie grâce à l’incompétence totale du distributeur de Nintendo à l’époque. Quand les deux consoles sont sorties en France, on avait le choix entre Donkey Kong et Out Run. Le choix était vite fait.

Bien sûr, après coup, on a pensé s’être mordu les doigts, quand les Legend of Zelda, Metroid et autres Castlevania ont fini par traverser les océans. Non pas que les jeux Master System étaient mauvais, ou peu nombreux : il y avait largement de quoi faire avec la ludothèque de la console. Mais il nous manquait des titres « à la Nintendo », profond, non linéaire, bourré de passages secrets. La donne allait changer, en partie grâce à Wonder Boy III !

De Wonder Boy à Monster World

Wonder Boy, à la base, c’est un petit jeu d’arcade signé Escape (devenu Westone), et distribué par Sega. Un chouette jeu à défilement horizontal, où un petit homme vaguement primitif (il sait quand même faire du skateboard !) va sauver sa belle à coup de hachette en pierre contre des… escargots, abeilles, espadons ou pieuvres hostiles.

Wonder Boy

Le jeu fait partie du lancement de la Master System en Europe, et comme il est très proche de la version arcade, c’est un joli succès. Comme l’éditeur dispose des droits de son jeu mais pas des personnages, il le proposera à Hudson Soft qui en fera une adaptation sur NES sous le nom Adventure Island, créeant une véritable série parallèle, qui mériterait un article à elle seule. Wonder Boy, l’original, a lui aussi eu droit à son remake/hommage,* Wonder Boy Returns*.

Wonder Boy 2 - Wonderboy in Monsterland

Une suite paraît un an plus tard, et ne garde vraiment que les paysages paradisiaques, certaines bêbêtes (les développeurs n’aiment vraiment pas les pieuvres et les crabes), et la blondeur du héros, qui manie désormais l’épée. Wonder Boy In Monster Land (ou Super Wonder Boy Monster World au Japon) jette les bases de ce que sera le reste de la série. Toujours linéaire, il introduit la dimension action RPG avec la possibilité de faire évoluer son personnage en achetant épées, armures, bouclier et bottes dans les magasins disséminés (et parfois cachés !) dans les niveaux. La saga Monster World est née, et elle connaîtra plusieurs suites, dont Wonder Boy III : The Dragon’s Trap, ou Monster World II au Japon, qui nous intéresse ici.

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Si vous avez manqué la fin

Wonder Boy : The Dragon’s Trap fait aujourd’hui l’objet d’un remake, et il perd à l’occasion son numéro, totalement inutile de toute façon, puisque tout ce que vous avez à savoir de l’épisode précédent est inclus dans l’introduction, qui vous fait rejouer le dernier niveau de Wonder Boy In Monster Land. Vous avancez dans le chateau – les habitués sauront par où il faut passer – combattez le Meka Dragon, facile à battre puisque votre équipement est au maximum et… Celui ci vous jette un sort au moment de mourir. Vous voilà transformé en Lizard Man, un petit homme dragon pataud, capable de cracher des flammes mais pas de se défendre.

Wonder Boy The Dragon's Trap 1

Pour les joueurs ayant connu l’original, rien que cette petite introduction, et la manière dont elle est complètement réinterprétée par le remake suffit à mettre la larme à l’oeil, si j’ose dire. Entre le style graphique très dessin animé, les décors réinventés et surtout, surtout, la réorchestration réussie d’une musique très rudimentaire à la base, on comprend assez vite le but de Lizard Cube, qui se confirme pendant tout au long : réaliser le jeu qu’ils voyaient et entendaient dans leur tête quand ils étaient gamins !

De transformation en transformation

Wonder Boy : The Dragon’s Trap reprend la formule de son prédécesseur, mais pas sa structure en niveaux. C’est un monde « ouvert » que l’on explore, et on se rend compte rapidement qu’on ne va pas bien loin ! Car avant de retrouver forme humaine, Wonder Boy (ou Wonder Girl, un ajout bienvenu de ce remake) devra passer par 4 autres transformations : une souris, un piranha, un lion et un faucon.

Wonder Boy The Dragon's Trap 24

Chacun dispose de ses aptitudes, et c’est en jonglant entre ses différentes formes que l’on va débloquer différentes parties du monde. Lizard Man le pleutre ne craint pas la lave et crache du feu, l’homme souris peut se faufiler dans des passages étroits et s’accrocher à certains blocs à damier, le piranha peut nager, le lion dispose d’un coup d’épée en demi cercle indispensable pour briser certains blocs et l’oiseau peut évidemment utiliser ses ailes, mais pas nager !

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Au début, on les subit : chaque boss/dragon vous inflige votre prochaine enveloppe corporelle. Arrivé à un certain stade, des salles spéciales de transformation sont disponibles, permettant de permuter entre les animaux déjà débloqués.

Wonder Boy The Dragon's Trap 7

Comme dans Wonder Boy In Monsterland, mais cette fois ci avec la possibilité de sauvegarder sa partie et de revenir sur ses pas, la clé sera de faire évoluer son personnage en achetant les bonnes armes adaptées à chaque personnage, certaines ayant plus d’impact sur une forme animale ou l’autre.

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Une expérience courte mais très roots !

Le jeu est court, très court. Il faut se rappeler que malgré ses subtilités, Wonder Boy III était un jeu pour console 8 bits, avec une capacité de mémoire très limitée. Lizardcube a ajouté quelques niveaux cachés qui rallongent quelque peu le défi mais on plie l’aventure principale en moins de 10 heures. Cela n’en fait pas une croisière, loin de là !

Wonder Boy The Dragon's Trap 23

Dans un souci de respect intégral de l’expérience originale, les développeurs n’ont pas touché aux collisions parfois bizarres, ni à la frustration que peut engendrer des morts multiples. Si une sauvegarde automatique à chaque passage au village de départ a été ajoutée, la mort au cours d’un passage, même long, impose de le recommencer intégralement ! Ceux qui auraient gardé leur manuel rempli de codes griffonnés – la cartouche de Wonder Boy III n’intégrait pas de pile de sauvegarde – pourront même réutiliser leurs mots de passe pour retrouver leur progression.

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Old school ou modernité : vous choisissez

Comme dit plus haut, tout le charme de Wonder Boy : The Dragon’s Trap réside dans le perfectionnisme de son développeur. C’est une déclaration d’amour au jeu original, dont chaque aspect a été modernisé, graphiquement ou musicalement, à la perfection. Chaque thème a été réinterprété de manière délicieuse avec un niveau de qualité qui impose le respect.

Wonder Boy The Dragon's Trap 8

Chaque environnement agrémenté de multiples détails témoignant d’une imagination débordante pour transcender les décors pixelisés et franchement basiques de l’original. Plus qu’un simple lifting graphique et sonore, le jeu est parsemé de petits clins d’oeil destinés aux fans, ajoutant des traits de personnalité à des personnages autrefois muets, mention spéciale pour l’infirmière, sa gouaille et sa musique d’ascenseur.

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Si la modernisation gêne votre âme de puriste, Lizardcube a prévu la possibilité de basculer à tout moment entre cette version modernisée, et un WonderBoy III à l’ancienne. Histoire de se rappeler que Omar Cornut, dont le CV inclut également un passage chez Media Molecule (Tearaway), avait commencé sa carrière en développant un excellent émulateur Master System pour PC, Meka. Le premier – pour moi – à émuler de manière fidèle la console de Sega. Ça remonte : je me souviens avoir principalement utilisé la version MS-Dos.1

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Derrière le remake, l’original, donc, mais pas seulement. Contrairement à d’autres jeux utilisant le même procédé (les remakes de jeux LucasArts comme Monkey Island ou Day of the Tentacle par exemple, ou R-Type Dimensions), le mode rétro conserve le format 16/9e et l’affichage en 60 fps, pour une expérience plus proche des remakes de Sonic 1 et 2 sur mobile. Une reconstruction plus qu’une simple reproduction

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On peut même s’amuser à basculer l’image mais pas la bande son, et vice versa, tandis que les puristes trouveront des options pertinentes pour reproduire l’affichage baveux d’origine, et le rendu FM de la puce sonore de la Master System japonaise.

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WonderBoy : le piège de la nostalgie ?

Il m’est difficile de me mettre à la place de quelqu’un qui n’a jamais joué à Wonder Boy III : je suis moi-même un fan acharné de la Sega Master System et j’ai passé de nombreux dimanche après midi à tenter de finir ce petit bijou. Je pense qu’on peut y trouver son compte, à condition de bien se dire que l’on joue à quelque chose dont la mécanique et l’ambition datent de 1989.

Pour les fans de l’original, la question ne se pose pas, même si on pourra trouver le jeu plus court que dans ses souvenirs d’enfance. L’ajout d’un mode difficile, au temps limité peut relancer le challenge. J’aurais peut-être aimé que le choix de la Wonder Girl ait un impact moins limité : on ne la voit finalement que dans l’introduction, et une fois le jeu fini pour en découvrir les derniers recoins.

En tenant compte de ces limites, on ne peut s’empêcher d’être séduit par ce remake parfaitement respectueux d’un original qui gagne franchement à être redécouvert. Le jeu est disponible sur Xbox One, PS4, PC (Steam et GOG) et Nintendo Switch.

1Meka a visiblement été développé jusqu’en 2011 et le site SMSPower qui l’hébergeait existe toujours !

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2 réponses à « Wonder Boy : The Dragon’s Trap. Une déclaration d’amour à un jeu culte »

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