Daho revient avec un album sombre et rock, et une pochette qui continue une longue tradition du chanteur de jouer avec son image. Du cuir noir, des paysages orange et des bombes, c’est le Blitz, dans Cover Story !
Le sujet d’une pochette n’est jamais anodin. C’est ce que l’on montre à l’auditeur, ou ce que l’on cache. Les années 80 ont vu arriver une génération d’artistes qui refusait consciemment d’apparaître sur la couverture, préférant des images concrètes ou des motifs obscurs.
Etienne Daho ne fait pas partie de cette vague, perpétuant au contraire une tradition bowienne de la mise en scène. De son premier Mythomane à ce nouveau Blitz, il n’est pas une pochette de Daho qui ne soit pas construite autour de son visage ou de son corps. Complètement magnifié par Pierre et Gilles, dessiné par Guy Pellaert (autre croisement avec Bowie), irradié de soleil sur une plage, en contrejour, en noir et blanc hedislimanifié.
Scorpio Rising around the bunker
La dernière fois, sur le lumineux Les chansons de l’innocence retrouvée, on le retrouvait aux côtés d’une berlin disco queen très peu vétue, chastement recouverte d’un autocollant, « peel slowly and see ».
Blitz prend le contrepied de cette image sensuelle et apaisée. Nous revoici en enfer. Fond noir, lumière verte. Daho porte le cuir, blouson et casquette. Il fume. C’est l’Équipée sauvage, Scorpio Rising, Mario Bava, l’Enfer de H-G Clouzot et Rock Around The Bunker. Blitz est un Daho sombre, brumeux et coloré. Les couleurs du psychédélisme de Syd Barrett. Le reflet des néons verts du dancefloor et les volutes bleutées, comme le logo BLITZ, éclair bleu argent.
On ouvre la pochette. Daho toujours en cuir, désormais de plain-pied. De dos, sur un dégradé entre orange et rouge sang. Le « rouge orangé de l’automne ». Ou celui des bombes qui tombent surboum, sublime, mêlé du sang versé par les filles du canyon. Les couleurs saturées, la police légèrement inclinée tranchent nettement avec l’univers visuel qu’on avait associé au chanteur ces dernières années. On est dans la pop subversive, une image conçue pour choquer.
Les vinyles, si on a acheté l’album chez une grande surface culturelle dont nous tairons le nom ici, adoptent les mêmes couleurs. On note le label Virgin original, petit clin d’oeil aux ambiances psyché et progressives du disque.
Western hallucinogène
Blitz s’ouvre sur ce qui aurait dû être sa plage titre, l’album étant parti pour s’appeler Canyon, avant un changement de dernière minute. L’intro a de quoi déconcerter les auditeurs restés à la délicatesse des arrangements de son prédécesseur. Des sirènes d’alerte à la bombe, puis des grosses guitares, une ambiance de western hallucinogène, chevauchée sanglante dans la nuit, les filles du canyon font un massacre. Pas le genre d’image que l’on attendait après le cotonneux premier single, Les Flocons de l’Eté.
C’était un leurre. Cette petite douceur presque trip hop est en fait un rêve sous morphine entre des ambiances torturées, entre psychédélisme (un peu trop appuyé peut être, par un sample de Genesis des Zombies, sur Chambre 29) et giallo mis en musique par un Morricone sous acide.
Aurait-on perdu Daho comme Syd dans sa Room 29 ? Que nenni. Mais c’est un autre Etienne que l’on retrouve. Pas celui, clair et distinct, des Chansons de l’Innocence, mais un Daho plein de reverb et d’harmonies, forçant à tendre l’oreille pour distinguer des textes plus importants et profonds qu’ils ont l’air.
Voyager léger
Sans pour autant perdre la légèreté chère au Rennais. Dans ce voyage nocturne où on chante et danse sous les bombes, c’est elle qui nous porte. « Nous resterons légers face au danger » répète-t-il sous la ligne de basse brûlante de Après le Blitz, un cri de résistance aux influences multiples (les Beach Boys ? New Order ?) qui aurait pu être le meilleur morceau d’Indochine s’ils n’avaient pas tourné le dos à leurs racines sixties.
Daho, lui n’a rien renié, et s’approprie désormais ses inspirations de manière décomplexée. Le périple est parfois tortueux, peut-être un poil trop long, mais la récompense est belle pour ceux qui n’auront pas quitté le navire. Nocturne, une torch song ténébreuse et hantée, ferme ce Blitz presque comme un Tarantino.
La playlist
- Les filles du canyon
- Les baisers rouges
- Les flocons de l’été
- L’étincelle
- Après le blitz
- Nocturne
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